Introduction
La Villa Savoye est une des dernières maisons de la période dite des « villas blanches » de l’architecte Le Corbusier. Elle a été commandée par la famille Savoye comme seconde résidence pour les week-ends. Baptisée « les Heures claires » par ses propriétaires et qualifiée de « machine à habiter » par son architecte, la Villa Savoye est considérée comme l’un des édifices les plus emblématiques de l’architecture moderne du XXème siècle.
La construction de la villa a commencé en 1928 et a été achevée en 1931. La présence des propriétaires dans la maison pendant la construction a généré des conflits d’intérêts entre l’architecte et ces derniers, et Mme Savoye attaqua même l’architecte en qualifiant la maison « d’inhabitable » après de nombreux problèmes structurels menant à des infiltrations d’eau, fissures, et mauvaise isolation phonique.
Contexte historique
Après l’invasion allemande de la France en 1940, la Villa Savoye a été abandonnée, puis bombardée et incendiée pendant la Seconde Guerre mondiale.
En 1963, la Villa Savoye a été déclarée patrimoine architectural par le gouvernement français. Un grand travail de restauration a du être mené car elle était en ruine après avoir été négligée et attaquée pendant la guerre. Le Corbusier est décédé avant le début de la réhabilitation qu’il avait conçue après 1960, et qui aurait considérablement modifié la villa.
Actuellement, c’est une « maison-musée », dédiée à la vie et à l’œuvre de Le Corbusier et entretenue par la société publique Monuments de France. Elle reçoit des milliers de visiteurs chaque année, principalement des architectes et des étudiants.
Bien que la Villa Savoye ait été conçue à l’origine comme une maison unique, Le Corbusier n’a pas renoncé à en faire un prototype pour les futures constructions en série.
Emplacement
La Villa Savoye est située dans la banlieue parisienne de Poissy, à moins d’une heure de route de Paris, en France. Elle occupe un terrain dominant la vallée de la Seine, rue de Villiers, plus proche de la nature que de la rue, libérant un grand espace vert autour d’elle (bien que la construction d’équipements pour la ville après la guerre ait considérablement réduit l’espace privé de la maison).
Concept
La Villa Savoye a été conçue par Le Corbusier comme un paradigme de la maison en tant que « machine à habiter », où les fonctions de la vie quotidienne deviennent fondamentales pour sa conception. Le mouvement des voitures pour entrer dans la maison (un motif qui passionnait Le Corbusier depuis des années) est le déclencheur de la conception du bâtiment. Dans ce concept, la maison est conçue comme un objet posé sur le paysage, totalement autonome et pouvant être placé n’importe où sur la planète. L’architecture suit ainsi les avions, les voitures et les paquebots, avec pour objectif ultime de produire des logements en série.
Le rez-de-chaussée sur pilotis va également dans ce sens, car il sépare la Villa de son jardin, ce qui a été considéré comme l’un des points fondamentaux de la première génération de l’Architecture Internationale.
Les cinq points de Le Corbusier
La Villa Savoye, rebaptisée « Les Heures Claires », illustre l’application libre des « cinq points » d’une nouvelle architecture formulée par l’architecte en 1927 :
- La Villa Savoye s’élève, isolée du sol sur un système de pilotis.
- La disposition libre des espaces grâce à la séparation entre poteaux porteurs et murs intérieurs.
- La liberté de la façade, où le mur perd sa fonction de support, sans façade principale ni éléments décoratifs.
- La toiture-terrasse qui remplace le toit et récupère la surface du sol recouverte par la forêt.
- La fenêtre horizontale permettant l’intégration de l’espace naturel extérieur avec l’espace intérieur, tout en uniformisant l’entrée de lumière.
Espaces
La partie principale de la maison : salon, salle à manger, cuisine, chambres et salles de bains, se trouve au premier étage, tandis que le rez-de-chaussée est occupé par le hall et des pièces pour le service, avec un garage pouvant accueillir 3 voitures, un exploit architectural considérable pour l’époque. Le toit est plat et accueille un petit jardin.
Distribution
Rez-de-chaussée
Avec un extérieur strictement fonctionnel, le volume repose sur pilotis dans une grande étendue de pelouse. Le rez-de-chaussée a une forme courbe qui souligne le mouvement et l’influence des voitures. Sur un côté, occupant environ un quart de l’étage, se trouve le garage, pouvant accueillir trois voitures des années 1930 (considérablement plus grandes que celles d’aujourd’hui), remplaçant ainsi l’espace qui était autrefois occupé par les écuries et les chevaux. L’accès des voitures est direct pour se garer entre les pilotis.
À l’avant, près de l’entrée, se trouve l’entrée piétonne, un mur semi-circulaire en verre, face auquel s’ouvre un hall avec deux éléments principaux : une « rampe » parcourant tout le bâtiment de bas en haut, constituant son épine dorsale, prolongeant ce mouvement de l’extérieur vers l’intérieur, et un « escalier en colimaçon ». Pour Le Corbusier, l’escalier « sépare » tandis que la rampe « unit ». Dans ce cas, elle prolonge du gazon jusqu’au ciel un majestueux « parcours architectural » entre la porte d’entrée, l’appartement au premier étage et la terrasse sur le toit.
Tout l’intérieur du hall est peint en blanc, représentant l’intérêt de Le Corbusier pour l’architecture sanitaire et l’hygiène à une époque où les villes souffraient de la surpopulation sous forme d’épidémies, reflétant la découverte importante de la vie microbienne partout, y compris à l’intérieur des maisons. Cela se reflète également dans la profusion de salles de bains à l’intérieur de la villa, apparemment bien supérieure aux besoins, exploitant l’eau courante dont on disposait.
Plus éloignées de l’entrée se trouvent trois chambres pour les invités et le service.
Premier étage
À l’intérieur du prisme du plan carré, la maison est distribuée le long d’un plan en « L » qui sépare clairement la partie publique des chambres. Bien que tout au long de la maison on puisse profiter de la lumière et des vues sur le paysage, « ouverte sur les quatre horizons », aucun observateur au niveau du sol ne pourra apercevoir l’intérieur. Ainsi, le fonctionnalisme de la Villa Savoye est déterminé par un « design pour la vie quotidienne » et non par une simple efficacité mécanique.
Le salon peut être considéré comme la partie couverte d’un vaste espace de réception, dont les deux tiers sont constitués d’un patio ouvert sur le paysage par une fenêtre continue entre l’intérieur et l’extérieur, de sorte que le verre semble être un léger diaphragme. La salle se prolonge à l’extérieur, en plein air, bordée par un grand écran, évoquant en quelque sorte certains tableaux puristes, séparée et reliée à la salle intérieure par une grande porte-fenêtre entièrement coulissante créant une continuité entre les espaces.
Les trois chambres sont accessibles par des couloirs qui les séparent de la principale salle de bains et des vestiaires. Cette distribution des chambres et de leurs annexes rappelle les hôtels particuliers parisiens du XVIIIe siècle. La salle de bains bénéficie d’une lumière zénithale.
Structure
L’ensemble de la Villa Savoye est un cube reposant sur des pilotis, des colonnes en béton armé faisant partie de la structure. Les surfaces plates et lisses excluent toute sensation de pesanteur, soulignant l’intérêt de Le Corbusier pour les blocs spatiaux abstraits. Elle est conçue comme un continuum fonctionnel à travers les différents niveaux, distribués par une rampe légèrement inclinée qui relie les fonctions à l’intérieur de la maison à celles développées sur le toit-jardin. Cette rampe commence au niveau des pilotis et se termine précisément sur la terrasse du jardin.
Rez-de-chaussée
Le rez-de-chaussée est largement déterminé par le mouvement d’une voiture entrant dans le bâtiment. Ce mouvement détermine également la structure, basée sur une grille orthogonale de piliers en béton distants de 4,75 mètres les uns des autres. Cette grille forme un carré de 23,5 mètres de côté, sur lequel repose la villa.
Premier étage
La structure est générée à partir d’une grille uniforme de piliers en acier et de dalles en béton armé. Grâce au retrait léger des piliers du périmètre des dalles, Le Corbusier a pu créer des fenêtres horizontales aussi longues qu’il le souhaitait, car celles-ci ne traversent aucun élément structurel.
Matériaux
Les matériaux utilisés dans la Villa Savoye sont prosaïques, et étaient couramment utilisés à cette époque dans la construction des maisons de la classe ouvrière de Paris. Bien que la maison ait été conçue pour être habitée par des personnes aisées, Le Corbusier a choisi de faire construire la villa avec du plâtre sur les murs, du fer pour les rampes d’escalier et de l’acier pour les cadres de fenêtres.
La salle de bains principale est carrelée avec des pièces de pâte de verre de couleur bleue claire et foncée autour de la baignoire, avec des carreaux blancs.
